FICTION n°327 – Mars 1982

FB – 21 juin 2022

En guise de pause dans ma PAL, j’avais un numéro de FICTION acheté sur les quais à Paris l’hiver dernier. C’est une drôle de capsule temporelle. J’avais un an quand il est sorti, donc j’ai quand même l’impression d’explorer des terres inconnues.

Dans l’éditorial, Alain Dorémieux s’en prend à Philip K. Dick : « Phil c’est un sale tour que tu nous as joué ». PKD est décédé quelques jours plus tôt.

Au programme, un feuilleton fantasy de Stephen King, L’ORACLE DES MONTAGNES (interviewé plus loin par Richard D. Nolane), puis CHANGEMENT D’ADRESSE de Bob Leman (un lointain cousin américain de Serge ?), une histoire de colocation mentale entre une entité E. T. et un comptable en limite de clochardisation, ma préférée du numéro.

Les nouvelles de Daniel Walther, Michael G. Coney: mouais.

En revanche j’ai bien aimé le polar de Richard D. Nolane, L’HEURE DE L’EVENTREUR, avec un twist fantastique sur le dernier paragraphe, et la première nouvelle d’un jeune qui débute ; Jean-Claude Dunyach , VENUS EROTICA, exerguant une citation de Jarry : « Oh ! Le désespoir de Pygmalion, qui aurait pu créer une statue, et qui ne fit qu’une femme… »

Ce dont je n’avais pas conscience, c’est le côté glauquement libidineux de cette époque, un peu à l’image de la couverture. Pas un texte ne manque d’une jeune fille à poil, détaillée de haut en bas et de bas en haut, par des mecs qui ne vont pas très bien. C’est assez curieux, j’ai même le sentiment que ces auteurs ont inclus le sexe à regret dans leurs histoires, on les sent las, blasés.

Le voyage temporel opère surtout avec les brèves de l’époque : « Pierre Christin et Jean-Claude Mézières sont ravis : les aventures de VALERIAN commencent à paraître aux USA, où Dargaud s’implante. — On a vu Armande Altaï donner la réplique à Jacques Higelin pendant plus de deux mois au Cirque d’Hiver à Paris. Et, toute seule, elle raconte l’INFORMULÉ (Phonogram), un disque magique. — Si vous avez envie de décoller, visiter des climats et des paysages stupéfiants, trembler aussi, pourquoi pas, alors un seul disque ce mois, la compilation Polydor de tous les 45 tours de Siouxsie & The Banshees, grandiose ! — Bonne idée : NEO réédite L’ÉTONNANT VOYAGE D’HARETON IRONCASTLE, de notre maître à tous, Rosny-Aîné. Au même moment, le livre sort en Roumanie. — Joël Cuénot a photographié Paris, a photographié les planètes, s’est amusé à quelques superpositions. Résultat : après Paris sous les eaux, Paris dans les étoiles. Ah ! l’atterrissage de Beaubourg sur les anneaux de Saturne, de toute beauté ! C’est Weber-Diffusion qui s’occupe de l’album. — Je viens de terminer MALEVIL. Incroyable, c’est la première fois qu’un texte me fait ressentir mes racines françaises profondes. Toute l’école de science-fiction post-fin du monde britannique est à mettre à la poubelle. » Etc.

Critique intéressante de la sortie récente de LA GUERRE DU FEU de JJ Annaud, à savoir ce que le film garde de naturaliste et visionnaire, au regard de l’œuvre de Rosny-Aîné, en se fondant « sur ce qui nous distingue et nous sépare de l’homme préhistorique, et sur ce qui annonce en même temps l’homme moderne. » Alain Garsault, l’auteur de l’article, estime au final que le film est moins visionnaire que naturaliste.

Comme un écho à la récente émission de Nicolas Martin sur la SF française avec Serge Lehman et Xavier Dollo, les termes « disparition », « effondrement », « arrêt des publications » ouvrent l’article de Stéphane Nicot. Il dresse un état des lieux de l’édition au début des eighties, avec une explication brute : « l’édition parisienne se replie massivement vers la rentabilité maximum et rapide du produit littéraire, de façon à assurer une circulation rapide des capitaux […], l’art soumis aux nécessités de l’accumulation du capital ». Puis l’exposé des principes élémentaires : « auteurs-locomotives » américains, quelques auteurs français ‘maison’, et une nouveauté de temps en temps pour ne pas se donner des airs d’entre-soi. Petite mention néanmoins au Fleuve Noir, qui aide à quelques émergences. La solution ? Cesser « de courir après les modes éphémères, à l’aspect publicitaire et tapageur, pour inciter les lecteurs à négliger les produits aseptisés et prémâchés au profit des parutions originales, et laisser de côté les best-sellers programmés qui se vendront sans notre aide pour mettre en lumière les œuvres novatrices. »

Publié par Blanzat

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